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Et si nos sociétés redécouvraient la fragilité, l’apprivoisaient  jusqu’à l’aimer…

La maladie d’Alzheimer agit sur une atteinte intolérable à l’image de soi.

Une personne atteinte de maladie d’Alzheimer, perd petit à petit tout. En effet peu à peu s’opère un oubli de soi et des autres. Tout s’efface : les souvenirs, le passé, son identité…même le présent est maillé d’inconnu…

Le comportement se détériore au fur et à mesure de l’avancée de la maladie jusqu’à la dépendance totale : perte de la mémoire, désorientation spatio-temporelle, troubles du comportement (anxiété, apathie, confusion, agressivité), altération du langage, fuite et déambulation…perte de l’appétit, perte de la praxie, de la mobilité…

Cette perte jusqu’à sa propre image (tout le contraire de la construction de notre société qui s’est basée justement ces dernières décennies sur l’Image) est terrifiante pour soi-même et son entourage. Cette perte est une fragilité extrême qui bouleverse le quotidien, qui fait s’envoler les certitudes et les habitudes. Mais cette fragilité peut permettre une rencontre qui transforme, métamorphose et fait se déployer des ressources insoupçonnées. Elle peut être le moteur d’une prise de conscience individuelle et collective qui recentre sur les vraies valeurs de la vie et sur la relation à soi-même, à l’autre, différente.

Pour cela il faut être bien entouré.

Le rejet des différences, l’obligation de réussir coûte que coûte, la doctrine de la perfection, de la réussite, participent à ce que la fragilité soit en premier lieu jugée comme un fardeau. Prendre conscience de sa fragilité, accepter sa fragilité, faire reconnaître sa fragilité, accueillir celle des autres : il est sans doute plus difficile d’y parvenir à une époque où gagner, conquérir, posséder, réussir, dépasser constituent le vocable dominant.

Cela nous interroge sur : Qu’est-ce qu’être fragile aujourd’hui ? La fragilité physique semble, a priori, mieux maîtrisée au fur et à mesure que progresse la médecine et la technique. Mais d’autres fragilités demeurent prégnantes et même s’accroissent. La solitude, l’exclusion, l’absence de considération, la marginalisation constituent une réalité de notre époque… La fragilité nous renvoie à la patience, à l’inutile, au don gratuit inconditionnel…à regarder au-delà des apparences, à accueillir la différence, à accepter dans un relâchement, à un abandon total.

La maladie d’Alzheimer, comme la forte dépendance d’ailleurs, est là pour nous interroger sur notre comportement individuel et collectif vis à vis des personnes atteintes.

Allons-nous leur faire de la place parmi nous ? Les intégrer dans nos vies ? Ne déléguons pas aux autres, à l’état, aux collectivités les solutions, mais commençons par nous, par l’éducation, par nos organisations individuelles, familiales, citoyennes. Car derrière ces malades qui sont nos propres « parents, grands-parents », nous pouvons avoir le même questionnement envers toute personne fragilisée par nos systèmes actuels et qui se retrouve en marge de toute vie sociale normale.

Quelques pistes d’évolution et de transformation pour mieux Vivre :

Tout d’abord la prise de conscience doit être individuelle. Cette prise de conscience ne suffira pas, il faut y ajouter du courage pour changer nos habitudes et devenir cohérent avec justement cette redécouverte de valeurs. Il faudra un peu de temps mais surtout savoir fédérer des énergies similaires.

« Nous allons plus loin à plusieurs. »

Repenser tout d’abord de façon générale le logement, c’est à dire construire ou transformer des logements inclusifs et mixtes. Surtout pas de grands ensembles mais de petites structures pour que la gestion commune et participative soit relativement simple.

Repenser  les logements pour une grande mixité d’âge, sociale, cela apporte de la vie, de la richesse. Penser des locaux communs : ateliers intergénérationnel, échange de savoir et pratique, repas partagés etc… Le but est de faciliter les échanges, le partage, la circulation de la vie… Ces petits ensembles doivent bien sur intégrer la notion d’écologie et de nature : compost, jardin et potager partagés etc…

Repenser ces petits ensembles, petit immeuble, dans un plus grand ensemble c’est-à-dire quartier et donc repenser nos villes et villages, notre urbanisme.

Nous avons l’exemple de précurseurs mais ces initiatives locales doivent être multipliées, facilitées…c’est le rôle des collectivités à tous ses niveaux…

Repenser l’accompagnement personnalisé des personnes fragilisées voir dépendantes. La médecine et les structures médicales, sociales doivent être au service de l’Humain et ce n’est pas à la personne de s’adapter jusqu’à sa propre négation aux différents dictats de ceux-ci.

Interrogeons-nous : Respectons-nous en toute circonstance la Charte des droits et des libertés des personnes en situation de dépendance ?

Est-ce bien toujours le cas dans la prise en charge de la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer et de son entourage, souvent ghettoïsée ou délaissée?

Innover, repenser nos organisations à partir de la qualité de vie et de son sens. Multiplier les lieux d’incubations pour construire les projets (exemple de Station A à Rodez).

Innover dans le maintien au domicile (cela sera plus facile si le logement est déjà dans un ensemble ou la circulation de la Vie existe), proposer des alternatives et intermédiaires entre le domicile et l’EPHAD. Repenser, redéfinir totalement la place de l’EPHAD, son utilité, sa place, ses partenariats médicaux et sociaux

Tout ceci a un coût me direz-vous ? Certes, c’est surtout la transformation qui aura un coût mais la Vie a-t-elle un coût ? Ne serons-nous pas à terme grandement gagnant même du point de vue économique ?

Que voulons-nous pour aujourd’hui et demain ? Sommes-nous prêt à partir dans nos EPHAD actuels ? Alors…?

Retroussons nos manches…l’avenir est à ceux qui l’écrivent.

Catherine Hamel de FAMILLE SERVICES AVEYRON