Comprendre pourquoi nous en sommes là : notre adaptation au vieillissement et nos choix passés.
Nous pouvons voir qu’en France, le grand âge paie le prix fort de la pandémie. Surtout dans les Ehpad. Pourquoi ? Parce que, comme dit précédemment nous avons relégué loin de nos vies, loin des yeux, insidieusement ce qui nous dérange : la maladie et la mort. Nous pourrions faire de la même façon le parallèle avec le handicap.
Depuis les années 80, nous avons laissé faire… Nous avons cru que l’allongement de la vie et ses conséquences pouvaient être traités uniquement par le biais de la « santé publique ». Comme si le vieillissement était une maladie.
Tout en ayant un discours ou il était dit qu’il fallait favoriser le maintien à domicile, les pouvoirs publics, les financeurs publics et privés se sont largement concentrés sur les établissements en général et les Ehpad en particulier.
Aujourd’hui, nous sommes en plein cauchemar… certains Ehpad sont de véritables clusters et déciment les résidents coupés de leurs proches…dans sa globalité notre société a fait l’autruche et nous apercevons quand cela nous touche de près, quelques effets.
Posons-nous la question quelle est notre regard sur la vieillesse ?
Nous devons partir d’un constat : si le vieillissement biologique est inéluctable, si le corps change, l’Homme intérieur n’est ni altéré ni concerné par le vieillissement. La vieillesse représente à la fois le couronnement d’une vie, son achèvement, mais aussi l’espace psycho-spirituel propice à son ultime résolution…Une vie accomplie est une vie apaisée.
Le sens de la vieillesse n’est pas la performance mais la maturité, la sagesse…La vieillesse peut-être une ouverture vers « Autre chose » et non une fermeture. La personne vieillissante reste dans le désir, dans un élan vital, un devenir, même quand l’avenir, selon nos sens, se dérobe…
Comme pour l’enfant, l’adolescent, l’adulte, le « Regard » que nous posons sur un visage ridé, un corps meurtri peut faire toute la différence. Si ce « Regard » est positif, tendre, la personne vieillissante se sentira « reconnue à part entière »
Posons-nous la question du « Regard » : le nôtre, celui de nos proches, de la société sur ces personnes. La société les cache, les parque, les met dans des ghettos, car refuse le vieux …
Qu’est-ce qui fait que nous croisons des regards de personnes vielles pleins de vie, rayonnant de sérénité, et d’autres qui sont éteins, triste ou ailleurs ?
La vieillesse est un état d’esprit. Il y a des vieux de 20 ans et des jeunes de 90 ans. C’est une affaire de générosité de cœur, mais aussi une façon de garder en soi suffisamment de complicité avec l’enfant que l’on reste…
Spinoza dit « La jouissance du présent ne cesse d’étoffer le temps ».
Le présent doit être vécu pour lui-même, un présent de plénitude. La vie humaine est destinée à la joie, au bonheur, à la sérénité. Gardons, préservons notre pouvoir d’enchantement et d’admiration.
La Vie va toujours vers du nouveau, la Vie est « mouvement », c’est la logique même du vivant.
Une logique dont nous faisons tous l’expérience à travers les pertes qui jalonnent nos vies. Certes la vieillesse nous oblige à des deuils, certes nous assistons à la disparition de nos forces vitales et de certaines facultés mais d’un autre côté, nos perceptions s’ouvrent à l’infini. La nouveauté vient de l’intérieur, à une Ouverture, à une autre Vie, dans laquelle il n’est plus question de « faire » mais d’ « Etre » au-delà du temps. Cela est d’autant plus facile que nous nous y exerçons plus tôt…
Contexte culturel et social, les changements démographiques : faisons un peu d’Histoire et d’analyse : l’après-guerre.
Au moment même où des changements démographiques se produisaient, d’autres changements culturels et sociaux prenaient place dans notre société. Les enfants de l’après- guerre ont formé une génération idéologique différente des générations qui les avaient précédées et de celles qui les suivront.
Ces mutations interdépendantes permettent d’expliquer la place de la personne de 60 ans et + à l’époque actuelle, et les valeurs qui façonnent la société d’aujourd’hui.
De grands bouleversements ont eu lieu dans l’organisation familiale, la place de la femme, de l’enfant et la place des générations. La taille des familles s’est réduite suite à la diminution du nombre d’enfants par couple et à la valeur de plus en plus grande apportée au noyau central parents/enfants. Les femmes ont délaissé le domicile, investissant le marché du travail et menant de front vie professionnelle et vie familiale. La taille des logements a diminué avec une urbanisation sans cesse en expansion.
Puis à partir des années 80/90 la multiplication des séparations, des divorces et des recompositions familiales, sans oublier la propension de plus en plus fréquente chez certaines personnes à rester définitivement célibataires, ont façonné une nouvelle organisation familiale.
Au niveau culturel, la place des générations les plus anciennes, s’est vue ébranlée par les mouvements d’émancipation de la fin des années 60 et des années 70, qui ont marqué le refus du patriarcat et la valorisation à tout prix de la liberté individuelle. Les décennies qui suivent marque l’avènement de la jeunesse et de ses valeurs de liberté individuelle, d’anonymat, de responsabilité individuelle et de satisfaction immédiate.
Plutôt que de parler d’individualisme, les sociologues contemporains ont montré aujourd’hui qu’un concept caractéristique de notre société contemporaine occidentale est l’individuation.
L’individuation caractérise le fait que l’individu veut être maître de son projet de vie.
L’individuation ne signifie pas individualisme ou égoïsme. Tout au contraire, les choix peuvent soutenir des valeurs humanistes altruistes mais la volonté d’autodétermination et si forte qu’elle peut conduire au refus de toute imposition d’autrui et, à l’extrême, au refus de toute décision collective.
Dans ce contexte la personne âgée perd peu à peu sa place ancestrale de garante des valeurs, des traditions et de l’histoire. Vivant de plus en plus longtemps, dans des familles de moins en moins disponibles pour les accueillir, les anciens ne sont plus insérés dans les familles élargies.
D’autre part, la personne âgée comme la plupart des individus de la société contemporaine, souhaite être au centre de décision de son projet de vie et souhaite le plus souvent mener une existence autonome par rapport à ses enfants ou à la famille au sens large.
La dérive de l’Âgisme et manque d’anticipation:
Contre la vieillesse, les stéréotypes et attitudes négatives ne manquent pas au niveau individuel ou collectif. Construction sociale fondée, la plupart du temps, sur des croyances et généralisations abusives, ces préjugés relatifs au vieillissement et aux personnes âgées constituent l’âgisme, un terme maintenant répandu mais inventé en 1969 par Robert Butler.
La vieillesse, la maladie et la mort sont cachées, évitées, détournées.
« Le vieux », c’est toujours l’autre, pas soi-même. Éjectées du marché du travail, de la vie active, hébergées « entre elles » dans des maisons de repos, de retraite, foyer logements, les personnes âgées sont mises à l’écart de la société…Ainsi diverses études ont montré à quel point l’âgisme pouvait être un facteur explicatif de la mise à l’écart de la personne âgée, son maintien dans un état de passivité et de dépendance.
Tout part de notre Regard, si ce que l’on retient d’une personne âgée est un état de passivité, de dépendance, on la cantonne alors par sa position sociale, sans pouvoir d’échange ou de négociation. Elle est condamnée à recevoir sans qu’on lui permette de donner en retour.
L’âgisme est une généralisation qui se base sur un critère d’âge chronologique comme facteur de regroupement, attribuant au vieillissement toute une série de déficits. Comme toute généralisation, il nie les spécificités et complexités individuelles et dépeint la vieillesse comme homogène. Se basant sur les caractéristiques d’une minorité de personnes, les personnes âgées malades, démentes. L’âgisme et ses stéréotypes s’approprient leurs caractéristiques (rigidité, repli sur soi, aigreur, désinvestissement) pour les appliquer au vieillissement normal. Quel drame !
Or, il est important de noter que seules 5% des personnes de plus de 80 ans sont atteintes de déficience cognitives ou d’incapacité les empêchant de vivre seules à domicile. C’est la perte des liens sociaux et la maladie et non l’âge en tant que tel, qui sont responsables du mauvais vieillissement.
Mais quel est l’âge d’entrée dans la vieillesse et comment le calculer ?
On peut avoir une vision qualitative ou quantitative de cet âge. Selon la vision qualitative, l’âge d’entrée dans la vieillesse correspondrait à celui où l’on commence à souffrir de réelles incapacités.
Une vision plus quantitative se sert du ratio de la population âgée de plus de 65 ans pour le chiffrer. Si l’on considère simplement l’âge chronologique de la retraite comme âge d’entrée dans la vieillesse (ce qui est un postulat qui se défend mais dans lequel de nombreuses personnes ne se reconnaîtront pas), on parle d’un groupe de personnes qui s’étale sur plus de 30 ans, et même sur plusieurs générations, car il est constitué de personnes de 60/65 ans, à plus de 90 ans.
Dans les deux visions, cet âge ne cesse de reculer et l’on peut donc dire, que plutôt que d’assister à un vieillissement de la population, on assisterait au « non-vieillissement » de nos sociétés.
L’étendue du troisième âge et la diversité des expériences personnelles de vie rendent donc impossible de parler de la vieillesse comme d’un groupe homogène de personnes. Dès lors lorsque l’on s’intéresse au vieillissement il est important de parler d’hétérogénéité.
En effet, « plus l’individu avance en âge, plus il s’individualise et se différencie en fonction des expériences vécues », et ce qui est bon pour l’un ne le sera pas nécessairement pour l’autre. Chacun abordera les différentes périodes de sa vie avec sa personnalité et réagira aux événements.
Avec Jérôme Pélissier dans son livre La nuit, tous les vieux sont gris et le deuxième La guerre des âges, nous dirons que « l’essentiel est de ne pas voir les personnes âgées comme une population homogène, de ne pas les considérer simplement comme des bénéficiaires passifs de soins et de services. Il faut donc leur donner une réelle place dans notre société ».
Anticipation
Un deuxième concept d’importance lorsque l’on veut appréhender le vieillissement est aussi celui de « processus dynamique », soulignant que la vieillesse n’est pas un état codifié et statique, mais un processus dynamique et en devenir. Certains préfèrent même parler « des vieillesses plurielles ». Ce processus implique donc de continuelles adaptations, tant des personnes âgées que de l’ensemble du système qui les entoure. Ce qui est bon à un moment ne le sera peut-être plus à un autre moment de cette période de la vie.
Dans une société caractérisée par l’individuation, chaque personne est le pilote de son existence, l’actrice de son projet de vie, la maîtrise de ses choix. Et parce qu’on a promu l’individuation, le choix devient problématique et mets certains devant des dilemmes insolubles. Au centre de cette réflexion sur le choix se situent les deux éléments constitutifs suivants : la liberté et la possibilité d’exercer cette liberté.
La liberté et la sécurité peuvent être sauvegardées dans n’importe qu’elle situation d’habitat choisie par la personne qui vieillit. Derrière ce souhait de rester chez soi nous pouvons discerner la volonté de conserver la liberté et la maîtrise de la conduite de sa vie. C’est le respect de l’autonomie qui est ici en jeu, en dialectique constante entre la liberté et la sécurité, cela s’anticipe.
Alors si collectivement nous avons loupé le coche, en choisissant par défaut, il est temps de nous retroussez les manches et de réellement savoir ce que nous voulons pour nous même demain.
Cet épisode de confinement et de face à face avec nos réalités et leurs contradictions, nous permet de réévaluer nos désirs et remettre l’Humain au centre de toute décision personnelle et collective.
Et nous ? à plus petite échelle qu’allons-nous proposer ?
Je vous invite à voir …
Catherine Hamel de FAMILLE SERVICES AVEYRON